Pour échapper au capitalisme zombie, vive le convivialisme !

Ce nouvel article part d’un postulat simple : Tous nos problèmes actuels viennent des immigrés et des arabes !! Blague à part, je vais essayer d’élever le niveau…

J’estime, après beaucoup d’autres, que les idéologies et philosophies politiques du passé ne peuvent pas répondre aux enjeux du présent. Albert Einstein le disait déjà à son époque : « On ne peut pas résoudre un problème avec le même niveau de pensée que celle qui l’a créé ». En ce début de 21e siècle, il est urgent de changer de niveau de pensée car nous ne vivons pas une crise « normale » du libéralisme, du capitalisme…qui se résoudra par un nouveau bond technologique ou une bonne vieille guerre. La crise est systémique, multiple et touche tous les continents. Notre époque moderne qui s’est notamment ouverte avec la philosophie des Lumières est totalement en bout de course et nous plongera vers l’abîme sans un sursaut d’envergure !

La conviction que demain sera meilleur qu’aujourd’hui est rompue. Les inégalités se creusent à nouveau, les tendances autoritaristes se renforcent et l’entrée dans l’Anthropocène, cette nouvelle période géologique caractérisée par la modification des conditions d’habitabilité de la Terre, compromet jusqu’à la pérennité même de l’aventure humaine. Il est urgent de penser des alternatives écologiques et post-capitalistes aux 4 principales philosophies politiques dont nous sommes les héritiers, à savoir : libéralisme, socialisme et leurs variantes anarchisme et communisme. Elles ont marqués le paysage politique des derniers siècles et amenées des progrès incontestables (démocratie, laïcité, droits de l’homme, progrès matériel pour certains tout du moins…)  mais aujourd’hui elles ne sont plus en mesure de faire face aux défis totalement nouveaux de notre époque. On le ressent tous plus ou moins, ce qui crée une peur de l’avenir. Le taux de natalité en forte baisse partout en occident est un indicateur qui ne trompe pas. Pour y faire face, différents récits s’opposent : les récits de la « forteresse », du « mondialisme » et de la « solidarité ».

Les deux premiers récits, nous les connaissons (trop) bien car ils accompagnent nos vies et sont largement présent dans les médias. La pensée « mondialiste » est aux manettes des principaux pays occidentaux depuis les années 80. Elle promeut le libre-échange, la déréglementation financière, la privatisation, la croissance verte et les technologies high-tech. Le président Macron en est le parfait représentant politique ! Face à cela, les défenseurs de la « forteresse », les nationalistes et autoritaires de tous poils reviennent sur le devant de la scène depuis plusieurs années. Les dirigeants de ce courant transforment les autres en bouc émissaires (musulmans, migrants, commission européenne, les « pauvres », etc.). Ils alimentent ainsi la haine et la division. C’est LePen/Zemmour en France et dans d’autres parties du monde : Modri, Trump, Bolsonaro, Orban, etc.

Les premiers, qui œuvrent à l’extension planétaire d’un capitalisme rentier et spéculatif, aspirent à la toute-puissance économique, à toujours plus de richesse. Ils saccagent la planète. Les seconds mobilisent le désir de toute-puissance politique et identitaire. Ils secrètent la haine et les pulsions meurtrières.Ces deux premiers récits (mondialisme technocratique vs nationalisme xénophobe) bien qu’opposé en apparence s’entrecroisent et ne sont pas hermétique l’un à l’autre. Ils sont globalement d’accord sur le fonctionnement économique, la répartition des richesses, la valeur travail, l’écologie de façade, l’autoritarisme démocratique, etc.

Le troisième récit – celui de la solidarité – est radicalement différent. Largement sous les radars, il appelle notamment à la résistance contre les puissants, les défenseurs du chacun pour soi et de la poursuite capitaliste du profit. Ce récit s’appuie sur un socle idéologique et des valeurs issus des 4 coins du globe qui peuvent être regroupés sous le terme de convivialisme. Ce nouveau récit solidariste / convivialiste né au début des années 2000 avec est à mon sens une des voies les plus prometteuses à l’heure actuelle ! C’est cette troisième voie qui sera développée dans cet article.

« Dans tous les cas, l’espérance mène plus loin que la crainte » Jünger

Le capitalisme sous sa version néolibérale s’est mué en fait social total. Il est multidimensionnel et modèle les sphères : politique, économique, culturelle, sociologique, artistique et technologique. Il nous influence profondément et façonnent nos existences. La lutte pour imposer d’autres mondes doit par conséquent rivaliser d’ambition en s’attaquant à la racine du problème : la croissance économique, le productivisme, la rhétorique du progrès, la rationalité instrumentale, le patriarcat, l’anthropocentrisme, le racisme, le sexisme, etc. Le but global est de dessiner les contours d’une nouvelle idéologie pluri-versalisable, adaptée à l’urgence actuelle et de portée mondiale même si son application sera nécessairement locale et conjoncturelle.

Ça semble utopique car c’est bien connu, il n’y a pas d’alternative (« There is no alternative » TINA) mais assumons de rêver quelques instants. Avec notre cœur, avec notre bon sens… et aussi avec notre raison.  Le convivialisme est une philosophie politique qui se propose de fournir un socle pour cette nouvelle idéologie dont l’objectif est de bien vivre ensemble dans le cadre des limites planétaires. Ce n’est pas un programme politique mais plutôt une base idéologique, des valeurs centrales sur lesquels une grande partie de l’humanité est susceptible de se mettre d’accord.

Ci-dessous les 6 grands principes du convivialisme :

  • Principe de commune naturalité. Tous les êtres vivants font partie de la Nature et sont en interdépendance vitale avec elle. La Nature n’est pas un simple réservoir de ressource à exploiter.
  • Principe de commune humanité ou, si l’on préfère, de respect des différences, qui interdit toutes les formes de discrimination et de stigmatisation. Aurons-nous la naïveté de croire qu’il peut y avoir deux, humanités, deux planètes en une, l’une surpeuplée et miséreuse, l’autre barricadée et opulente ? Alors que nous formons « une seule famille » sur une planète devenue trop étroite. Il n’y a pas de planète ou d’humanité de rechange.
  • Principe de commune socialité, qui stipule la nécessité absolue de veiller à la qualité des relations sociales. Nos liens sociaux sont notre plus grande richesse entre nous. La société nous donne car nous lui donnons.
  • Principe de légitime individuation. Chaque être humain est unique et les rapports sociaux doivent être organisés de telle manière que chacun.e puisse se réaliser sans nuire à autrui.  
  • Principe d’opposition créatrice. Il est normal que les humains n’aient pas tous la même sensibilité, le même regard, les mêmes préférences, les mêmes avis…L’objectif est de permettre aux humains de coopérer « en s’opposant sans se massacrer (et de se donner sans se sacrifier) ».

Aucun principe ne peut s’imposer comme le seul légitime en ignorant les autres : ils sont solidaires comme un nœud borroméen. Enfin, ces 5 principes pour fonctionner et rester en équilibre dynamique doivent respecter un impératif catégorique de modération, de maîtrise de la démesure. Cela nécessite des institutions politiques, juridiques, morales, qui limitent les potentialités d’hybris de chaque humain.

De ces grands principes découlent quatre orientations générales minimales pour une politique inspirée du convivialisme :

1. Redonner vie et approfondir à l’idéal démocratique (cf. mon article sur la démocratie) en articulant systématiquement démocratie représentative parlementaire, démocratie d’opinion et démocratie directe et participative (via des conférences de citoyen·ne·s et des référendums d’initiative citoyenne, et en instaurant une démocratie effective dans l’entreprise).

2. Viser à l’horizon 2040-2050 un objectif écologique triple zéro : zéro émission nette de gaz à effet de serre ; zéro consommation d’énergies fossiles ; zéro déchets hautement toxiques et à risques majeurs.

3. Mener une lutte résolue en faveur d’une réduction significative des inégalités. Ce qui implique l’instauration inconditionnelle d’un revenu minimum et la fixation d’un plafond de revenu et de patrimoine, dès lors que leurs montants seraient majoritairement perçus comme moralement (ou socialement) inacceptable.

4. Promouvoir un universalisme pluriel (un « pluriversalisme ») qui permet aux différentes, cultures, religions ou philosophies de dialoguer en s’opposant sans s’entretuer.

Bien entendu, les obstacles sont nombreux et redoutables pour déployer une politique convivialiste et incarner ces principes mais partout, de nombreux groupes prennent les rênes de leur avenir en main en essayant de réinventer la politique, l’économie, le rapport à la nature, la socialité, etc. Des milliards de citoyens partagent déjà la même indignation face à la démesure et aux inégalités extrêmes (cf. mouvement Occupy, 15-M, Nuit debout, zapatistes, etc.). Il y a également le sentiment croissant d’appartenir à une communauté humaine dont les membres participent aux mêmes combats. Nous partageons, au moins implicitement, le projet de la convivialité et de l’émancipation.

À mon sens, le mouvement convivialiste peut permettre d’archipéliser ces îlots de résistance/création, créer un mouvement majoritaire, sortir des marges et faire système.

« On ne mène pas un combat parce qu’on est sûr de le gagner, mais parce qu’il est juste à mener.» Auteur Inconnu

Je suis persuadé qu’en bifurquant et en avançant dans ces directions nous aurions, collectivement et individuellement, beaucoup à gagner. Cela nous libérerait en partie de comportement consuméristes, matérialistes, individualistes, utilitaristes et productivistes au profit de façons de vivre plus favorable au lien social, à la solidarité et à la convivialité.

Face au marasme ambiant, le convivialisme fournis une ligne d’horizon désirable, une bouffée d’air frais ! Loin de nous donner une nouvelle recette unique à appliquer de manière similaire partout sur le globe, elle propose des fondations pour un monde pluriversel, un monde ou une multitude de mondes cohabitent selon la définition des zapatistes du Chiapas. 

Pour devenir une force réelle, il reste à partager notre prise de conscience et bientôt nous serons des milliards à pouvoir dénoncer ensemble ceux qui s’opposent à l’avancée du convivialisme. Alors, les projets portés par le convivialisme aboutiront.

« Pourquoi rester dans le chacun chez soi quand il y a tant de châteaux à raser ensemble ? » Thomas Moreau

Plus d’infos sur le Second Manifeste convivialiste – Vers un monde post-néolibéral – qui a réuni 275 cosignataires de 33 pays sous le nom de Internationale Convivialiste ICI.